Chaque jour

Publié le Catégorisé comme Non classé

Chaque soir je sors fumer une cigarette. Souvent c’est la première et la dernière de la journée. J’essaie de me rendre disponible à ce qui est là. De temps à autres c’est le bruit des avions, et je n’aime pas ça. Alors je sors mon tél pour écrire un peu. À mesure que je pianote, le bruit s’efface. D’abord c’est parce que je suis concentrée sur l’écrire et puis ensuite j’entends les gouttes d’eau tomber. Dans les seaux. De gouttière en flaque, du toit au sol. Elles tombent depuis le premier week-end passé ici. Au début il neigeait. Il faisait très froid, alors il n’y avait pas d’écoulement. Après ça a commencé à fondre et puis c’étaient plutôt de gros tas de neige qui s’écroulaient des arbres. Et ça a commencé à ruisseler en gouttelettes ensuite. Depuis il pleut pas mal, malgré deux jours de bise et de soleil. Le ciel était si bleu! J’avais l’impression de n’avoir jamais vu cette couleur… elle semblait si jeune! Mais il pleut toujours au final. Toujours après les éclaircies. Ma cigarette s’éteint car j’oublie de fumer. Je la rallume, tire une taff et puis l’oublie encore. Je l’allume à nouveau, c’est sempiternel. Et j’écoute tomber les gouttes. Elles prennent le même rythme que mes doigts. Ou c’est l’inverse je sais pas. Parfois la lumière automatique dans le jardin s’allume aussi, puis une autre, je suis du coin de l’oeil la marche de l’un des trois chats qui est dehors en tout temps et qui s’avance vers moi. En général c’est Azou. Il vient gratter une croquette ou tente d’entrer dans la Petite Maison au fond du jardin aux éléphants. Il va et vient. Pour narguer Camilo qui est resté dedans. Les carillons sonnent aussi tendrement qu’ils se touchent. Leur musique est douce, presqu’imperceptible, elle donne présence au souffle qui rend toute vie possible. Et puis je finis ma cigarette. J’attends un petit moment. Je continue à écrire un peu, regarde autour de moi, marquant une pause, prenant une respiration. J’écoute la rivière qui passe bruyamment à une cinquantaine de mètres. Peut-être cent. Lorsque je lève les yeux au ciel la Grande Ourse me regarde. Je souris en me disant que toutes ces difficultés valent la peine d’être vécues. Ici. Maintenant. Puis l’écrire prend une fin toute naturelle. Avant de fermer les yeux et de prier en silence, je laisse les derniers mots tomber, comme le font les gouttes. Et je m’arrête. Jusqu’à la prochaine cigarette.